Comment suis-je arrivé à vaincre mon vertige à force de jouer en public ? Et comment vous pourriez vaincre n’importe quelle angoisse grâce à votre passion.
Je vous explique.
Cet été, je me retrouve à faire de l’accrobranche pour la troisième fois de ma vie et avec l’âge, je souffre de plus en plus du vertige. Etonnement cette fois-ci, la journée commence sans aucune forme de stress. J’avance rapidement et me laisse aller par l’adrénaline des parcours.
Arrive un passage un peu plus compliqué : une échelle suspendue à 15 mètres du sol. Les jambes commencent à trembler et mon rythme cardiaque s’accélère. Je me crispe et monte les premiers barreaux. D’un coup, mon mousqueton de sécurité se bloque.
Je ne peux plus avancer.
Photo par lefteye81
Alors obligé de regarder en bas, je réalise à quel point le sol est loin de mes pieds. Vraiment loin. La crise de panique arrive. Je tremble encore plus, je m’énerve contre ce mousqueton qui me demande de rebrousser chemin. Je m’y contrains et arrive tant bien que mal à son niveau. Je prends le temps de le regarder pour le démêler, me concentre dessus et…
Soudain une énorme douche froide de calme soulage la tension. Une sensation qui me rappelle étrangement ces moments d’excitation avant de monter sur scène.
Grâce au piano.
Plus précisément grâce aux concerts joués en public, j’ai développé avec les années un mécanisme de défense anti-stress qui, comme par magie, m’a permis de reprendre mon sang-froid et m’amuser le reste de la journée.
Depuis mon premier concert joué entre angoisse et épouvante à mes derniers live, la scène a été mon laboratoire de gestion du stress. Un lieu où j’ai appris sans le savoir à apprivoiser l’adrénaline et transformer l’angoisse en énergie.
Aujourd’hui, je veux vous expliquer comment des moments de stress liés à votre passion peuvent vous donner desoutils pour garder votre sang-froid. Derrière cette habitude zen, une méthode de psychologie appelée la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) détaille ces leviers à mettre en place pour gérer son stress.
Note : cet article invité a été écrit par Olivier Sen du blog progresser au piano
Photo par Mathis Brian
Nos passions nous confrontent à de grands moments de stress.
Le piano est ma passion. Inévitablement, j’ai voulu montrer mes progrès devant un public.
Si vous êtes passionné de voile, j’imagine que la mer ou l’océan, n’est pas toujours calme et serein. Inévitablement à votre tour, vous allez devoir garder votre sang-froid face à une houle agitée. Cette flamme passionnelle nous pousse à continuer, nous donne la force de traverser le stress.
En 2012, j’ai joué pour la première fois en public. Le Prélude en do majeur de Bach et j’ai… très mal vécu ce concert.
Pourtant je n’ai pas fait une seule faute et je jouais lors du spectacle de fin d’année de mon école. Le public le plus bienveillant du monde. Mes mains tremblaient. Mon cœur battait à 4000 à l’heure. Je priais pour ne pas faire une seule erreur et j’avais passé plusieurs semaines auparavant, une boule au ventre douloureuse agrémentée de plusieurs insomnies.
À la fin, les chaleureux applaudissements ont tout changé. Cette sensation de fierté, ce mélange d’adrénaline et de soulagement, m’a rendu immédiatement accro.
J’ai recommencé. Encore. Et encore. Toujours plus. Toujours plus compliqué. Toujours plus stressant. Devant 100, 300, 600 personnes même. J’ai aussi eu l’occasion de jouer mon album Gaïa live. Jouer en public mes propres compositions.
Au fur et à mesure, j’ai lentement appris à dompter mon angoisse.
Dans l’étude parue dans Frontiers in Psychology [1], 60 à 80 % des musiciens souffrent d’AMP (Anxiété de Performance Musicale) Un mal très commun qui entrave nos capacités à jouer en public. J’en suis donc affecté. J’ai développé des astuces pour apprendre à gérer ce trac du musicien.
Mais je ne savais pas encore que cette exposition répétée au stress allait me servir bien au-delà de la musique.
Photo par Brunophoto
Le secret scientifique derrière cette maîtrise de soi (et pourquoi ça marchera pour vous aussi)
Ce contrôle que j’ai eu lorsque j’ai dû récupérer le mousqueton et me confronter au vertige est le résultat du contrôle que j’ai construit avant de monter sur scène.
Mais comment ces leçons apprises sur scène peuvent-elles s’appliquer à d’autres domaines de la vie ?
C’est ce que nous allons explorer grâce à l’ACT. La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement [2, 3] Une méthode en psychologie qui permet d’agir sur 6 leviers pour reprendre son sang-froid.
L’Hexaflex raccourci pour Hexa : 6 ; flex : flexibilité cognitive ; décrit ces 6 points sur lesquels travailler à chaque fois qu’un moment de stress nous fait perdre nos moyens.
Chaque pilier peut possiblement devenir votre prochain remède contre le stress !
Image par Olivier Sen
1. Contact avec le moment présent
Se concentrer sur l’instant présent. Faire en sorte de revenir sur terre et être conscient de l’endroit où on est. Les aficionados de méditation le travaillent déjà régulièrement.
- Ma façon de faire :
- Avant de jouer en public, je prends le temps de bien visualiser le do central, je me place au milieu de mon clavier et réalise être devant mon piano, comme les milliards d’heures de pratique effectuées auparavant.
- Je touche mon pantalon. Un geste tellement anodin qui me permet de me dire que je suis là comme tous les autres jours.
- Pour d’autres passions peut-être ?
- Sportif : Se concentrer sur la sensation des pieds qui touchent le sol pendant une course.
- Cuisinier : Porter attention aux odeurs, aux textures des aliments, ou au bruit des ustensiles.
2. Acceptation de son expérience
Accepter ces émotions qui débarquent sans les combattre, en les voyant comme des passagers temporaires. L’idée n’est pas de les aimer, mais de les laisser exister .Cela permet de ne pas lutter contre elles, ce qui les rend moins intenses.
- Ma façon de faire :
- Quand je sens la peur monter avant un concert, je me dis : “OK, je stresse. C’est normal. C’est l’adrénaline qui monte. Ça va passer. Je vais quand même jouer en tremblant pour le début. J’accepte”
- Pendant un morceau, si je me trompe, je continue au lieu de me focaliser dessus. En tant que musicien professionnel je me dois de réagir comme il faut pour que cette erreur en concert ne se voit pas !
- Pour d’autres passions peut-être ?
- Orateur : Accepter les tremblements de voix en se disant « C’est juste de l’adrénaline, pas un échec” Cela montre que vous tenez à faire ce discours ! Agissez ! Passez à l’action, l’émotion perd de son pouvoir quand on cesse de la combattre.
3. Désamorçage des pensées
Prendre du recul par rapport à ses pensées en les voyant comme des événements mentaux passagers, qui ne resteront pas. Et surtout qui ne sont pas des vérités. On pense souvent avant : “Je vais échouer ». Mais, c’est une pensée, pas une prédiction, ni la vérité !
- Ma façon de faire :
- J’apportais beaucoup d’importance au fait de découvrir que dans le public, il y avait d’autres musiciens. Un stress en plus. Je pensais immédiatement qu’ils allaient me juger ! Au fil des années, cette pensée revient de temps en temps, mais j’arrive à la faire partir aussitôt. Et alors ? Qu’ils soient 50 pianistes ou aucun devant toi. Tu ne le sauras jamais, et qu’importe le nombre, tu vas jouer en public ce qui est prévu.
- Pour d’autres passions peut-être ?
- Étudiant : « Je vais rater mon examen » Je note que j’ai peur de rater, mais je révise quand même.
- Entrepreneur : « Mon projet va échouer » C’est une pensée, pas une prédiction. La réalité n’est pas prévisible.
4. Soi contextuel
Comprendre que vous n’êtes pas vos pensées ou vos émotions. Je ne suis pas un musicien stressé, je suis quelqu’un qui ressent de la peur et qui joue quand même. La différence n’est pas énorme mais pourtant elle procure un grand contrôle sur soi. Prendre conscience que vos émotions ne vous définissent pas.
- Ma façon de faire :
- Une autre source de stress pour jouer en public, c’est le niveau technique. D’autres sont meilleurs que moi. Depuis quelques années j’ai découvert que remplacer la pensée : “c’est pas non plus démentiel ce que je joue” par “aujourd’hui Olivier tu en es là techniquement” me permet d’ancrer dans la situation ce que je suis. Tout de suite, je suis fier et j’ai hâte de montrer mes progrès.
- Pour d’autres passions peut-être ?
- Sportif : Je ne suis pas un perdant après une défaite, je suis quelqu’un qui analyse ses performances.
- Écrivain : Je ne suis pas un mauvais écrivain, je suis quelqu’un qui écrit et qui s’améliore.
5. Identification des valeurs
Clarifier ce qui compte vraiment. Comme le partage, le dépassement de soi ou la créativité ! Le sens de vos actions, pourquoi vous êtes là aujourd’hui.
Exemples concrets
- Ma façon de faire :
- Je ne joue pas en public pour faire des fautes, mais pour partager ces moments uniques. Faire danser, divertir, émouvoir, ou surprendre. Pourquoi je monte sur scène? C’est encore plus frappant le jour où j’ai joué pour la première fois mon album. Le trac était très puissant mais j’avais aussi tellement hâte de faire vibrer les spectateurs. Avec un système son adéquat et le jeu de lumière , j’allais enfin présenter Gaïa comme je l’imaginais.
- Pour d’autres passions peut-être ?
- Cuisiner : Le résultat final va satisfaire les plus gourmands d’entre eux.
- Enseignant : Cette notion restera ancrée chez mes étudiants pour le restant de leur vie.
6. Engagement dans l’action
Un de mes piliers préférés ! J’avais un professeur qui n’a jamais cessé de me dire : pour être pianiste, tu dois pratiquer. C’est la règle d’or. Ce sixième point c’est ça. Passez à l’action même en présence de peur ou de doute. Faîtes ! Tout simplement !
Exemples concrets
- Ma façon de faire :
- Ne jamais arrêter de faire. Malgré les échecs, la peur, l’angoisse. Fait ! Continue à planifier des concerts, continue à sortir de ta zone de confort.
- Je joue mes accords, je ne commence pas à imaginer les jouer.
- Pour d’autres peut-être ?
- Écrivain : Écrire 1 page par jour, même si vous trouvez ça mauvais.
- Entrepreneur : Lancer un produit même imparfait, pour voir la réaction des prospects.
Pour conclure cette nouvelle habitude zen face au stress.
Aujourd’hui, je ne dis pas que je n’ai plus peur. Ce serait mentir.
Je vis avec.
Jouer en public m’a offert bien plus qu’une ivresse. Une maîtrise de moi-même que je n’aurais jamais cru possible. Entre nous, arriver à garder mon calme à 15 mètres de haut ? C’était devenu inconcevable. La réponse est pourtant tellement claire :
- Être conscient de l’endroit où on est
- Accepter ces émotions
- Prendre du recul par rapport à ses pensées
- Prendre conscience que vos émotions ne vous définissent pas
- Clarifier ce qui compte vraiment
- Agir et pratiquer
Des notions qui vont à présent me guider. J’espère aussi qui vous donneront les pistes pour faire ce lien entre les moments de stress de vos passions et les angoisses du quotidien !
Olivier Sen du blog www.progresser-au-piano.com. Un site dédié à une approche moderne et plus intuitive du piano
